Bernard Chevignard. A propos des centuries et des présages de Nostradamus.

Nostradamus, Centuries, I, 95

« Devant moustier trouvé enfant besson,

D’heroic sang de moine & vestustique:

Son bruit par secte langue & puissance son,

Qu’on dira fort eslevé le vopisque. »

    Depuis leur publication au milieu du XVIe siècle, les quatrains de Nostradamus ne cessent d’intriguer bien des lecteurs, surtout par temps de crise : chacune de ces énigmes n’éclairerait-elle pas un fragment-clef du futur ? Dès la première page des Centuries, leur auteur se campe en devin qui, à l’aide d’un rituel emprunté à la sibylle de Delphes, se rend réceptif à l’esprit de prophétie : « Le divin près s’assied. » Comme tous les humanistes, Michel de Nostredame était pétri de culture classique et Pierre Brind’amour, spécialiste canadien de l’Antiquité, a pu démontrer que nombre de quatrains nostradamiques sont un calque crypté d’événements rapportés par les historiens grecs et latins (Nostradamus astrophile, 1993).

      Le fait que le futur paraisse ainsi dupliquer le passé n’enlève rien à Nostradamus, en particulier si l’on adhère à une vision cyclique de l’Histoire et de son « éternel recommencement », ou si l’on croit à l’influence de la rotation des planètes et des ères du zodiaque sur les destinées d’ici-bas. Même si l’on s’en tient à une conception linéaire de l’Histoire, les constantes de la nature humaine peuvent expliquer bien des répétitions : « Ce qui fut, cela sera ; ce qui s’est fait se refera, et il n’y a rien de nouveau sous le soleil » (Ecclésiaste 1,9). L’absence quasi complète de dates dans les Centuries laisse libre cours à toutes les projections.

     Les commentateurs de Nostradamus ont abordé ses quatrains dans deux directions différentes. Il y a d’abord eu l’interprétation rétrospective, à l’instar du secrétaire et disciple de Nostradamus, Jean Aimé de Chavigny qui, dans sa Première Face du Janus françois (Lyon, 1594), chercha à prouver que son maître (mort en 1566) avait prévu tous les événements majeurs d’une fin de siècle en passe d’être déchirée par les guerres de religion – exercice périlleux, car il faut grandement distordre certaines tournures pour qu’une prédiction cadre parfaitement avec une circonstance donnée. Cela n’a pas empêché certains commentateurs de se lancer dans une entreprise encore plus aventureuse, l’interprétation prospective, à laquelle Chavigny lui-même avait renoncé : sa Seconde Face, annoncée comme devant révéler des temps plus lointains qu’aurait anticipé Nostradamus, ne vit jamais le jour. Si cette approche est risquée, elle est aussi très gratifiante dans la mesure où elle se veut à l’unisson des peurs, espoirs ou fantasmes des contemporains : le problème, c’est que l’avenir finit par advenir à sa façon et que l’interprète, s’il s’est hasardé à fixer des dates trop rapprochées, s’expose à devoir revoir sa copie et à subir quelque discrédit !

      On songe à l’abbé Torné-Chavigny (1826-1880) consacrant une énergie considérable à établir que le comte de Chambord était sur le point de devenir le roi Henri V, ou au docteur Max de Fontbrune prévoyant que l’invasion allemande de 1940 se ferait par la Suisse, ou à son fils Jean-Charles annonçant la restauration de la monarchie en France pour la fin du XXe siècle – toutes ces élucubrations étant dûment greffées sur le vénérable tronc des Centuries.               L’expérience montre que ces vers hermétiques ont toujours été un puzzle plastique dont les morceaux n’en finissent pas d’être remodelés selon le bon plaisir des interprètes. Nostradamus ayant vécu dans un royaume entouré de royaumes, son vocabulaire reflète nécessairement le système politique ambiant, d’où la faveur dont ses prédictions ont toujours joui dans les milieux monarchistes. Chaque quatrain est un pré-texte sur lequel le commentateur plaque les envolées de son propre texte : autrement dit, le voyant de Salon-de-Provence a composé un certain nombre de thèmes à partir desquels ses interprètes ont développé d’infinies variations. Comme le notait dans les années 1780 l’érudit Georg Lichtenberg, « en matière de prophétie, l’interprète est souvent un homme plus important que le prophète » – et celui-ci s’efface au fur et à mesure que son exégète semble le porter aux nues tout en substituant ses propres pronostications aux siennes.

    Le quatrain 95 de la première centurie est un bon exemple de l’accueillant fourre-tout qu’est l’œuvre poético-prophétique de Nostradamus. Ni date ni lieu, à part un moustier [= monastère] non identifié : la palette des possibles est vaste ! L’œil est d’emblée frappé par la fin des vers 1 et 4, qui se répondent : « besson/vopisque ». Vopiscus, en latin, désigne l’enfant qui a survécu à son besson [= jumeau] mort-né. Il est donc question de gémellité, réelle ou métaphorique : là encore, multiples sont les choix envisageables. Ce nourrisson abandonné devant la porterie d’un monastère, mais promis à un avenir « fort eslevé », a été engendré par un « moine », certes de race illustre et ancienne, mais la filiation de ce rejeton n’en demeure pas moins illégitime : certains souligneront donc que « moine » vient du grec monos [= seul, d’où le sens d’ermite qui vit seul, puis de moine], mais que la même racine a également donné « monarque » [= celui qui règne seul]. Toutefois, par quel biais ce fils de sang royal a-t-il été réduit à n’être qu’un simple enfant « trouvé » ? Plus on creuse chaque détail, plus le mystère s’épaissit, et certains hésiteront à chercher plus loin : « Impossible, dans l’état actuel de nos connaissances historiques, d’identifier cet enfant trouvé à l’entrée d’un monastère (Moustier). Serait-ce un quatrain symbolique ? » (Serge Hutin, Les Prophéties de Nostradamus, 1972). Excellente question, mais d’autres décodeurs, moins scrupuleux, ou plus hardis, se laissèrent aller à résoudre en un tournemain ces obscurités.

    Pour Élisée du Vignois (Notre Histoire racontée à l’avance par Nostradamus, 1910), il s’agit de toute évidence de la naissance, « en face du monastère des Loges », du futur Louis XIV (1638), « enfant besson d’un monarque » et « le seul des deux frères auquel on conserva la vie civile » (allusion à la légende du Masque de fer). Pour Roger Prévost (Nostradamus, le mythe et la réalité, 1999), ces mêmes vers, toujours sans l’ombre d’un doute, évoquent le réformateur Théodore de Bèze (1519-1605), né à côté du monastère de Vézelay « en même temps qu’un frère jumeau qui mourut à vingt-trois ans ». On voit clairement que pour en arriver à ces conclusions, il faut faire l’impasse sur tel ou tel terme – ou combler crânement telle ou telle lacune à la manière de Peter Lemesurier (The Nostradamus Encyclopedia, 1997) : « Le fils jumeau d’un moine et d’une religieuse [?!] parvient à une grande notoriété. »

    Plus récemment, sur ce site*, Alain Beauregard a développé, à partir de ce même quatrain, des parallèles gémellaires assez inattendus qui aboutissent au « dévoilement du roi caché » à l’abbaye de Fontevraud : noble cause, mais à laquelle la notion de « secte » (vers 3), par exemple, ne fait guère honneur. Ce mot, dont les Centuries offrent quinze occurrences, avait au XVIe siècle une valeur fort péjorative et désignait les groupuscules hérétiques qui s’étaient coupés (secare en latin) du tronc commun, comme en I, 45 : « Par sectes monde confus & schismatique. »

     Lorsqu’on apprenait à Nostradamus qu’on avait résolu l’un de ses casse-têtes, il acquiesçait d’un air admiratif – et sans doute souriait-il intérieurement : n’avait-il pas permis à quelque esprit anxieux de meubler l’avenir à sa convenance ? Paradoxalement, une catastrophe prophétisée a quelque chose de rassurant : si la trajectoire de l’Histoire peut être « racontée à l’avance », c’est qu’une main divine est à la barre… Mais on pourrait aussi estimer qu’il vaudrait mieux s’astreindre à des analyses méthodiques du réel et à de solides raisonnements plutôt que de quémander la caution de tel ou tel vaticinateur.

Bernard Chevignard

Auteur de  » Présages de Nostradamus » (Seuil, 1999) https://www.decitre.fr/livres/presages-de-nostradamus-9782020359603.html

A propos Charte de Fontevrault

Né à Loudun (Anjou) le 17 décembre 1945, dans une fratrie de trois garçons dont j'étais le cadet, et royaliste depuis mon entrée à la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Limoges, ce qui est d'ailleurs assez tardif, j'ai découvert ma voie dans le royalisme providentialisme, c'est-à-dire le royalisme de de ceux qui s'en remettent à Dieu du point de savoir qui doit être Son Lieutenant en terre de France. La Charte de Fontevrault assure ce combat quotidien dans lequel elle est loin d'être seule, grâce à Dieu. http://www.sylmpedia.fr/index.php/Charte_de_Fontevrault http://www.sylmpedia.fr/index.php/Alain_Texier http://www.sylmpedia.fr/index.php/Providentialisme
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7 commentaires pour Bernard Chevignard. A propos des centuries et des présages de Nostradamus.

  1. Par quel biais ce fils de Sang Royal a-t-il été réduit à n’être qu’un simple « enfant » trouvé ?

    Immaginez une jeune homme, nageur de comabat de son état, fils d’un modeste gardien de phare

    Mais voila : le père est comme Saint-Jospeh, modeste artisan mais descendant d’une lignée Royale fameuse mais déchue.
    Immaginez que le fils soit un jeune homme, simple comme un enfant, se retrouvant un beau jour devant une abbaye, en quète de réponses. Là, il fut « trouvé ».

    Quelque chose est en train de bouger dans les profondeurs…

    Et si le papa est incapable d’assurer les fonctions auquel il est destiné -deux siècles sont passés, notre Roi pourrait parfaitement ne pas savoir qu’il est l’héritier du Trône de France et n’être un modeste gardien de phare pas très porté sur les questions philosophiques- sachant à peine lire et écrire, ce sera au fils de reprendre la suite, un moine-guerrier sachant combattre et se dissimuler.

    Un jour naîtra un être de légende : toute une civilisation en dépend…

    Au-delà de la peur, le destin attend.

    .-N’yaez pas peur ! a dit Jean-Paul II.

    La peur tue l’esprit : c’est bien le but de l’actuelle dictature sanitaire. Lorsque la peur sera passé, il ne restera que l’enfant Royal… avec sa Foi. HENRI, Henrich, Chiren, Cyréneen, le Lys qui aide à porter le poid DE LA CROIX.

  2. UN DERNIER POUR LA ROUTE !

    Les américains ont pris peur, toutes leur projections portent à la III Guerre Mondiale : ils sont dans l’incapacité d’arréter le processus

    Car seul l’enfant Royal peut inverser le temps, prévenir la guerre civile qui s’annonce, l’invasion étrangère et la III° Guerre Mondiale et… arréter l’Apocalypse ! Et il doivent faire appel à lui. Et si l’Enfant Royal était blanc ?

    Notre devoir, transcende l’intéret national : c’est une question de survie ! Il y a das gens dans l’avenir qui ont besoin de nous, Royalistes.

    Et si Jupiter Jones était un garçon ?

    Pas Jupiter. L’autre, le vrai, celui qui a été « trouvé »…

  3. Pour mieux comprendre TENET, expliquons d’abord les enjeux de l’humanité du futur qui ne sont donnés qu’à travers les discours allusifs des personnages : Dans un futur plus ou moins lointain, la terre sera dévasté par le réchauffement climatique. Dans ce monde mourant, une guerre a lieu entre « les méchants » (appelons les comme ça) qui veulent supprimer le passé (notre présent) pour que le désastre climatique n’est pas lieu et « les gentils » qui sont l’organisation TENET qui essaye d’empêcher les méchants de faire cela. Dans ce monde futuriste, la technologie de « l’inversion » serait maîtrisé par tous — gentils comme méchants — et serait utilisée pour inverser différents objets : armes, armures, lunettes etc. De la même manière qu’on retrouve dans notre présent des vestiges des guerres qui ont eu lieu dans le passé (les vestiges des guerres du moyen âge par exemple), on pourrait retrouver dans notre présent des vestiges inversés d’une guerre qui aura lieu dans le futur.

    Un compte philosophique pour nous culpabiliser du réchauffement climatique, qui n’est pas du qu’aux humains, mais qui peut trouver certaines cause dans l’activité solaire. De là crééer une dictature sanitaire pour « prévenir » le futur, il n’y a qu’un pas, que nous vivons aujourd’hui, et que Nostradamus avait prévu de longue date.

    Comme l’enfant Royal « trouvé » devant une abbaye, et qui est le seul à pouvoir sauver le monde du foutage de gueule diaboliquement génial de la franc-maçonnie internationale qui npous prend pour ce que les Corses appelleraient avec justesse des cons-tinantaux.

    C’est le monent d’invoquer N.S. Jésus-Christ, sa très Sainte Mère la Vierge Marie et Saint Michel, les 3 vainqueurs de Satan comme les 3 Lys des Armes de France, dans nos prières…

  4. alaintexier dit :

    Hervé,

    Le film « TENET » https://fr.wikipedia.org/wiki/Tenet_(film) dont tu nous parle ci-dessus me semble t »il ? me parait trés compliqué et sans véritable rapport avec l’attente du grand Monarque à venir mais tu peux peut-être nous éclairer…???

  5. TENET : Un compte philosophique pour nous culpabiliser du réchauffement climatique, qui n’est pas du qu’aux humains, mais qui peut trouver certaines cause dans l’activité solaire. De là à crééer une dictature sanitaire pour « prévenir » le futur, il n’y a qu’un pas, que nous vivons aujourd’hui, et que Nostradamus avait prévu de longue date, ET QUE SEUL LE GRAND MONARQUE A VENIR PEUT CONJURER.

    Seul l’Enfant Royal trouvé devant l’abbye peut « renverser le temps » et revenir à un état pré-révolutionnaire, où la Restauration de la Monarchie de droit Divin -interrompue en 1830- peut seul enrayer l’auto-destruction de l’humanité par une hyper-dictature maçonnique fondèe sur une dictature sanitaire pensée à Bruxeelle et créée en Chine.

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